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Qu’est-ce que l’ergonomie cognitive ?

08/07/2021
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Ergonomie cognitive

Crédit : Storytale

L’ergonomie cognitive est l’étude des processus mentaux à l’œuvre pendant l’activité de travail, notamment lors d’une interaction homme-machine (IHM). Elle constitue l’un des trois domaines de l’ergonomie. En s’intéressant à ces processus cognitifs, l’ergonome contribue à la conception d’interfaces adaptées au cerveau humain. L’ergonomie cognitive se distingue donc de l’ergonomie physique (physiologie, gestes et postures…) et de l’ergonomie organisationnelle (organisation du travail), les deux autres domaines d’application de l’ergonomie.

En quoi consiste l’ergonomie cognitive ?

L’ergonomie cognitive s’intéresse aux processus cognitifs dans l’objectif de faire coïncider systèmes de travail et fonctionnement humain. L’Association Internationale d’Ergonomie (IEA) en donne cette définition :

« L’ergonomie cognitive s’intéresse aux processus mentaux, tels que la perception, la mémoire, le raisonnement et les réponses motrices, dans leurs effets sur les interactions entre les personnes et d’autres composantes d’un système. »

L’approche cognitive, dans l’analyse de l’activité, contribue à l’adaptation des systèmes, produits et situations de travail, à l’utilisateur. D’après la Société d’ergonomie de langue française (1971), l’ergonomie veut adapter le travail à l’homme. Le champ d’étude de l’ergonomie a ainsi évolué avec les outils utilisés dans le cadre d’une activité professionnelle. Jean-Claude Sperandio, dans La psychologie en ergonomie (1980), distinguait trois champs d’investigation de l’ergonomie :

  1. L’étude des processus : psychologiques, sociaux, mais surtout cognitifs, à savoir la saisie des informations, leur traitement, la mémorisation, les apprentissages…
  2. L’étude des astreintes : charge de travail mentale mais aussi musculaire, stress, insatisfactions, etc.
  3. L’étude des aménagements techniques : l’environnement, l’ingénierie des postes…

L’IEA, actuellement, définit l’ergonomie à partir de trois approches : cognitive (que nous nommerons parfois EC dans cet article), physique, organisationnelle. Ce sont surtout des domaines dans lesquels les ergonomes se spécialisent. Au cours de ces dernières décennies, l’ergonomie cognitive a suscité un intérêt grandissant. L’essor de cette discipline est directement lié à l’étude des Human Computer Interaction (HCI), et au développement des interfaces homme-machine.

Petit Historique de l’ergonomie cognitive

Entre la fin des années 1940 et des années 1960, l’ergonomie était davantage tournée vers les conséquences physiques de l’activité pour les travailleurs. On s’intéressait plus aux postures de travail qu’à la dimension cognitive. Le développement des systèmes automatiques informatisés – circulation aérienne, trafic ferroviaire, etc. – ont amené les ergonomes à s’intéresser aux processus mentaux. Avec l’arrivée de nouveaux produits électroniques, et surtout informatiques, l’ergonomie cognitive a pris une place prépondérante. Citons quelques dates-clés :

  • Début des années 1970 :apparaît l’expression Cognitive Ergonomics (Sime, Fitter & Green, « Why is programming computers so hard ? » New Behaviour, 1, 1975). Les ergonomes s’intéressent aux interactions homme-ordinateurs, elles-mêmes liées aux études de psychologie cognitive et à l’avènement de l’intelligence artificielle.
  • 1982 : se tient la première Conférence Européenne en Ergonomie Cognitive à Amsterdam. Cette rencontre avait notamment été organisée par Thomas Green et Gerrit van der Veer. Pendant ce temps, l’utilisation des ordinateurs commence à se généraliser.
  • Années 1980-1990: l’ergonome de la cognition étudie, analyse et fait des préconisations, notamment, pour rendre les interfaces cognitives.
  • En 1993 : paraissent les critères ergonomiques de Bastien & Scapin, chercheurs en psychologie ergonomique et en ergonomie cognitive.

Durant le même laps de temps, le Génie Cognitif (ou génie de la connaissance) s’est également développé. Il en résulte une confusion fréquente entre génie cognitif et ergonomie cognitive. Le Génie cognitif porte effectivement sur l’étude des systèmes hommes-machines. En réalité, l’ergonomie cognitive s’en éloigne par son approche centrée sur l’homme. Sa volonté est d’étudier le travail en comprenant l’humain (utilisateur, opérateur ou usager).

Distinguer ergonomie IHM et cognitive

L’ergonomie IHM a pour objectif l’amélioration des interactions entre les systèmes et leurs utilisateurs.  L’ergonome IHM prend en compte les aspects physiques, perceptifs  (Lois de la Gestalt) et cognitifs. L’ergonomie cognitive s’attache à analyser les fonctions cognitives associées au dialogue entre l’homme et la machine. L’IHM fait partie des objets d’étude de l’EC. Laquelle étudie aussi le stress professionnel, la charge mentale, les émotions, etc.

En somme, l’ergonomie cognitive s’intéresse à toute situation de travail en termes de cognition humaine. C’est une discipline influencée par les sciences cognitives et, en particulier, la psychologie cognitive. L’ergonome utilise les études faites dans ce domaine et des méthodes d’observation (étude ethnographique, test utilisateur) pour comprendre l’utilisateur final de l’application métier, du produit, etc.  À titre d’exemple, pour savoir comment présenter les informations sur un site web, il faut comprendre le traitement de l’information. Les processus les plus importants en termes de fonctions cognitives sont :

  • La perception
  • L’attention
  • La mémoire
  • Le langage
  • Le raisonnement, résolution de problèmes et prise de décision
  • Le jugement

Les ergonomes cognitifs réfléchissent à ceux mis en œuvre dans la réalisation d’une tâche donnée et aux facteurs pouvant l’influencée. En ergonomie informatique, cette analyse est importante pour la conception de l’interface. L’utilisateur doit, par exemple, comprendre que telle action va avoir telle conséquence et être en mesure d’exploiter toutes les possibilités de l’outil. Pour cela, il faut avoir suffisamment de connaissances au sujet du fonctionnement humain.

Ces processus mentaux contribuent à la modélisation de l’utilisateur final. L’enjeu est de comprendre de quelle manière configurer l’interface pour qu’elle réponde à ces processus mentaux. IHM et EC ont donc une démarche commune de conception orientée utilisateur. L’ergonome s’interroge toujours sur ce qui va entraver ou faciliter les tâches à réaliser. En somme, la question qui se pose est celle de l’utilisabilité. Il existe différentes modélisations et évaluations de l’utilisabilité. Nielsen l’associe à la facilité d’apprentissage, l’efficience, l’apprenabilité (la performance s’améliore), la prévention des erreurs et la satisfaction.

Qu’est-ce que la psychologie ergonomique ?

Bien souvent, les termes d’ergonomie cognitive et de psychologie ergonomique sont utilisés comme synonymes. Dans Le Travail Humain, Numéro spécial « Psychologie ergonomique de la programmation informatique », 1988, on peut lire :

« Nous nous référons à la psychologie ergonomique pour désigner les travaux en ergonomie fortement ancrés dans la psychologie cognitive mais non limités à celle-ci, qui ont pour objet d’étude la conception et l’évaluation des outils et des situations de travail. »

À lire cette « définition » de la psychologie ergonomique, la mission du psychologue ergonome semble assez proche de celle de l’ergonome cognitif. La distinction s’explique sans doute en partie par l’influence des expressions anglophones cognitive ergonomics et cognitive engineering. Il est cependant intéressant de retracer rapidement l’histoire de ces vocables.

En 1966, Alain Wisner devient le directeur du Laboratoire de Physiologie du Travail du CNAM et le renomme Laboratoire d’Ergonomie. Cette décision traduit une volonté de faire de l’ergonomie une discipline distincte, par rapport à d’autres branches des sciences cognitives, dont la psychologie. Pierre Falzon succède à Wisner et s’attelle à des travaux « d’ergonomie cognitive ».

La « psychologie ergonomique » renvoie en revanche aux années 1970 à l’Institut National de Recherche en Informatique et Automatique (INRIA). Des chercheurs tels que A. Bisseret et J.C. Sperandio l’ont popularisée en s’intéressant à l’étude des facteurs humains dans un contexte spécifique, à savoir le contrôle du trafic aérien.

D’une certaine manière, la psychologie ergonomique avait vocation à tenir compte de dimensions affectives et sociales en matière de psychologie du travail. Depuis 2011, l’association ARPEGE, Association pour la Recherche en Psychologie Ergonomique et Ergonomie, recense d’ailleurs des études sur ces sujets. L’ergonomie cognitive se voulait plus axée sur le travail mental de l’opérateur, les fonctions neurologiques impliquées. C’est ainsi qu’il est possible de concevoir une interface qui permette au sujet d’effectuer sa tâche efficacement.

Cependant, des spécialistes de psychologie ergonomique ont travaillé dans le secteur des interactions homme-machine. Les nuances sont liées aux spécialisations sur certains sujets d’étude. Par exemple, les chercheurs en psychologie ergonomique se sont davantage intéressés à l’analyse des situations de travail collaboratif. Les ergonomes cognitifs sont devenus, avec le développement des technologies, les partenaires des concepteurs d’interfaces et d’expérience utilisateur (UX Designer).

Conclusion

L’ergonomie cognitive est un domaine de spécialisation de l’ergonomie, particulièrement influencé par la psychologie cognitive. Son objet d’étude est les processus mentaux dans un contexte d’interaction entre l’être humain et les éléments d’un système. L’objectif est d’améliorer cette interaction et l’utilisabilité du produit. Les ergonomes spécialisés en cognition contribuent donc à la conception de systèmes adaptés à l’utilisateur. Son expertise lui permet de comprendre les capacités cognitives, mnésiques, etc. de l’individu ciblé pour concevoir, évaluer et améliorer l’interface.

Bibliographie

Livre “UX Design et Ergonomie des interfaces”Concevoir des interfaces ergonomiques. Les enjeux d’une conception ergonomique. L’ergonomie des sites web. L’ergonomie des intranets. L’ergonomie sur les devices mobiles. Organiser l’information. Identifier le contenu. Structurer l’information. Agencer pour faciliter l’interaction. Concevoir la page d’accueil. Construire la navigation. Concevoir le système de navigation. Naviguer autrement. Vérifier la navigation. Créer l’interaction. Interagir avec l’interface. Les éléments d’interaction. Les temps de réponse. Communiquer avec l’utilisateur. Le langage de l’interface. L’internationalisation des interfaces. Le traitement des erreurs. Aide et assistance à l’utilisateur. Présenter l’information. Techniques de mise en évidence. La couleur. Les icônes. Le texte. Les produits pour l’e-commerce. Méthodes de conception des interfaces. La conception orientée utilisateurs. L’analyse. La conception. L’évaluation ergonomique.

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