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Définition Biais cognitif

29/05/2018
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Biais cognitif David Plunkert

Illustration David Plunkert

Le biais cognitif est un mécanisme de pensée à l’origine d’une altération du jugement. À cause des biais cognitifs, la prise de décision de l’individu sera faussée. D’abord étudiée en psychologie cognitive, la notion de biais cognitifs a été exploitée dans différents domaines. En UX Design et en ergonomie, les biais cognitifs aident à anticiper l’expérience de l’utilisateur pour l’améliorer. Cependant, tous les individus sont concernés par les biais cognitifs, UX Designers y compris !

Qu’est-ce qu’un biais cognitif ?

Un biais cognitif est un schéma de pensée trompeur et faussement logique. Cette forme de pensée permet à l’individu de porter un jugement, ou de prendre une décision rapidement. Les biais cognitifs influencent nos choix, en particulier lorsqu’il faut gérer une quantité d’informations importantes ou que le temps est limité. Il se produit ainsi une forme de dysfonctionnement dans le raisonnement.

Biais cognitifs codex Mod7le Algorithmique de John Manoogian

Modèle Algorithmique  : John Manoogian III (télécharger le document)

By Jm3 [CC BY-SA 4.0], from Wikimedia Commons

Pour passer à l’action ou donner un sens à un événement, le cerveau va utiliser des croyances subjectives inconscientes. Le risque de décision erronée devient alors important. Ce mécanisme est systématique. Autrement dit, pour un individu donné, telle situation entraînera tel biais cognitif. Toutefois, en être conscient permet à l’être humain d’exercer son libre arbitre.

Par ailleurs, dans des secteurs comme les sciences cognitives, le marketing, la publicité ou le design d’expérience utilisateur, la connaissance des biais cognitifs amène à comprendre et à prévoir les comportements des individus, utilisateurs ou consommateurs.

250 biais cognitifs sont référencés, généralement classés dans les catégories suivantes :

  • Biais sensori-moteurs (illusions liées aux sens et à la motricité)
  • Biais attentionnels ou biais d’attention (problèmes d’attention)
  • Biais mnésique (en rapport avec la mémoire)
  • Biais de jugement (déformation de la capacité de juger)
  • Biais de raisonnement (paradoxes dans le raisonnement)
  • Biais liés à la personnalité (en rapport avec la culture, la langue, l’influence sociale…)

Voir cette vidéo humoristique pour illustrer ce phénomène.

D’où viennent les biais cognitifs ? Bref historique

La théorie des biais cognitifs a été développée au début des années 70 par les psychologues Amos Tversky et Daniel Kahneman. Ces derniers cherchaient à justifier la prise de décision irrationnelle dans le domaine économique.

Biais cognitif Illustration David Plunkert HOLT sub jumbo

Illustration David Plunkert

Ensuite, dans un livre publié en 2012, D. Kahneman distingue deux systèmes, deux « vitesses de la pensée » :

  • Le système 1, automatique et incontrôlable, se met en place par associations d’idées, de souvenirs, d’émotions, etc. Il en résulte une vision cohérente mais biaisée de la réalité. C’est le système à l’œuvre dans nombre d’actions et d’interactions.
  • Le système 2 est calculateur et se structure plus lentement. Ce mode de pensée prend en compte le système 1 mais répond davantage à un effort mental.

Biais cognitif, dissonance cognitive et distorsion cognitive

Les biais cognitifs auraient autrefois été utiles pour faire face à une situation dangereuse et s’adapter aux changements. Désormais, ils sont perçus plutôt négativement.

Soit dit en passant, il est fréquent de confondre biais cognitifs et dissonance cognitive ou distorsion cognitive. Ces derniers concepts, empruntés aux thérapies cognitives et comportementales, sont liés à l’état émotionnel de l’individu et alimente des pathologies. Les deux notions sont donc différentes.

Les distorsions cognitives sont des erreurs que nous commettons lorsque nous enregistrons des informations, c’est-à-dire des mauvaises interprétations de ce qui se passe dans notre environnement.

Qu’est-ce que la dissonance cognitive ?

En psychologie sociale, la dissonance cognitive est la tension interne propre au système de pensées, croyances, émotions et attitudes (cognitions) d’une personne lorsque plusieurs d’entre elles entrent en contradiction l’une avec l’autre.

L’importance des biais cognitifs en design d’expérience utilisateur

Biais cognitifs & Design : quels impacts sur l’expérience utilisateur ?

Les sciences humaines et les sciences cognitives favorisent une expertise ergonomique fiable. Ces connaissances multidisciplinaires aident l’UX Designer à concevoir un produit innovant, un service, une application ou encore un site web répondant aux besoins des utilisateurs. Les biais cognitifs, utilisés intelligemment en UX Design, jouent un rôle important pour :

  • Comprendre la psychologie humaine et être empathique ;
  • Anticiper l’usage d’un produit, d’un service, d’une application digitale, etc. ;
  • Prévoir la réception d’un service, produit, site internet, etc. avant son lancement ;
  • Proposer à l’utilisateur une interface en accord avec ses schémas de pensées ;
  • Améliorer et personnaliser l’expérience utilisateur ;
  • Augmenter le retour sur investissement (ROI) ;
  • Fidéliser les clients d’une entreprise.

Il est donc possible d’exploiter les biais cognitifs de façon stratégique. Toutefois, quand l’objectif est de persuader l’utilisateur ou le consommateur à agir comme le souhaite l’entreprise, ne s’agit-il pas de manipulation ? L’utilisation des « nudges » (coups de pouce) pour augmenter l’engagement et la conversion amène ainsi rapidement des questions éthiques.

Ce n’est pas l’unique problème posé par l’utilisation calculée des biais cognitifs. En effet, l’équipe doit également être consciente de ses propres biais psychologiques, susceptibles d’invalider sa compréhension des utilisateurs. Les entretiens menés dans les tests utilisateurs peuvent ainsi aboutir à des résultats non pertinents en raison des biais cognitifs inconscients de l’interviewer.

UX Designer et l’utilisateur : biais cognitifs fréquents

Les biais cognitifs peuvent induire en erreur tout UX designer. D’une part, ce dernier est lui-même soumis à des biais psychologiques inconscients. D’autre part, en fonction de son attitude ou ses choix, il peut involontairement pousser les utilisateurs à adopter ce mécanisme mental. S’il est impossible de dresser une liste de tous les biais cognitifs à prendre en compte, voici les plus fréquents, en particulier lors des tests utilisateurs.

Exemples de biais cognitifs

Principaux types de biais cognitifs

Catégorie de biais Nom du biais cognitif Description (définition) Exemple pour l’utilisateur
Biais mnésiques Effet de récence

 

Effet de primauté

Mieux mémoriser les dernières informations auxquelles on a été confronté.

Se souvenir des premières informations auxquelles on a été confronté.

Le jugement va être fondé sur les dernières informations reçues par l’interviewer, y compris si elles ne sont pas essentielles.

Si une question comprend plusieurs jugements de valeur, l’utilisateur mémorise les premiers et y répond.

Biais de raisonnement Dissonance cognitive


Cadrage

 

Biais de disponibilité

S’il y a contradiction, le raisonnement se base sur la volonté d’éliminer la contradiction.

La façon de présenter la situation ou le problème modifie son interprétation.

Ne se baser que sur des références ou informations immédiatement disponibles.

Les valeurs, le ton ou la situation ne correspondent pas à ce que le consommateur imaginait, alors il y a ré-interprétation fausse de la situation.

L’utilisateur ou le consommateur fait un choix qui n’est pas le sien mais celui attendu.

Avoir l’image d’un type de design (par exemple celui de la concurrence) et le sélectionner même si ce n’est pas le meilleur.

Biais de jugement Effet de halo


Ancrage

Volonté de généraliser un jugement à partir d’un élément.

Influence de la première impression.

Si le produit ou l’interface est esthétique, il a toutes les autres qualités requises.

Baser son jugement sur le 1er élément d’une page web ou d’un menu.

Biais liés à la personnalité Conformisme / Effet de mode Tendance à croire ce que la majorité pense et à vouloir lui ressembler. Si un nombre important d’utilisateur a tel avis, les autres aussi.

Biais de jugement, biais de l’immunité à l’erreur

Le Designer peut aussi être victime, par exemple, d’un biais de jugement intitulé biais d’immunité à l’erreur, c’est-à-dire l’incapacité à repérer ses propres erreurs ou défauts dans la conception du produit. C’est encore plus vrai quand « l’effet IKEA » agit (le fait de s’être investi dans une tâche – par exemple le design d’une interface – donne davantage de valeur au résultat obtenu). Autre risque, le biais d’échantillonnage ou échantillon biaisé, qui consiste à choisir un ensemble d’individus non représentatif des utilisateurs finaux et à en tirer des conclusions. Un risque qui peut toucher aussi bien les tests d’utilisabilité ou test utilisateur  que le focus group.

Au bout du compte, il existe deux attitudes vis-à-vis des biais cognitifs, à savoir essayer de les exploiter et/ou faire en sorte de contrôler le contexte. Dans le second cas, certaines attitudes sont recommandées :

  • Travailler en équipe pour gagner en objectivité et prendre du recul ;
  • Garder en tête les biais cognitifs possibles et noter ceux qui se produisent souvent ;
  • Essayer d’oublier ses préjugés en se contentant d’hypothèses ;
  • Laisser les utilisateurs s’exprimer même lorsqu’ils restent silencieux le temps de réfléchir ;
  • Choisir un échantillon représentatif du coeur de cible lors des tests utilisateurs ou consommateurs ;
  • S’intéresser aux expériences passées des utilisateurs et au contexte dans lequel ils s’expriment.

Les biais cognitifs peuvent fausser les tests utilisateur s’ils ne sont pas exécutés avec une grande rigueur !

Bibliographie et sources

 « Judgment under Uncertainty : Heuristics and Biases ».

Science. 185 : 4157, 1124-1131 – Kahneman, D., Tversky A. (1974)

Judgment under Uncertainty Heuristics and Biases - KahnemanCet article scientifique décrit le fonctionnement des biais et des heuristiques et leur impact sur la prise de décision.

Les 35 chapitres de ce livre décrivent diverses heuristiques de jugement et les biais qu’ils produisent, non seulement dans des expériences de laboratoire mais aussi dans d’importantes situations sociales, médicales et politiques. Les différents chapitres abordent les heuristiques de représentativité et de disponibilité, des problèmes de jugement de la covariation et du contrôle, de l’excès de confiance, de « l’inférence multiple », de la perception sociale, du diagnostic médical, de la perception du risque et des méthodes de correction.

 

 


« Système 1 / Système 2 : les deux vitesses de la pensée »

De David Kahneman (2012) Paris : Flammarion. L’ouvrage dans lequel Kahneman explique la distinction entre l’illusion de la pensée et le raisonnement analytique.

Chapitres du livre

  • Deux systèmes de pensée
  • Les grands biais cognitifs
  • L’excès de confiance en soi
  • Faire le bon choix
  • Les deux facettes du moi

Système 1 Système 2 - David KahnemanLa thèse centrale de ce livre est la dichotomie entre deux modes de pensée : le système 1 rapide, instinctif et émotionnel, et le système 2, plus lent, plus réfléchi et plus logique. Le livre présente les biais cognitifs associés à chacun de ces modes de pensée, en commençant par les recherches de Daniel Kahneman sur l’aversion à la perte. Du cadrage des choix en passant par la substitution, le livre met à profit plusieurs décennies de recherche universitaire pour montrer une trop grande confiance dans le jugement humain.

En 2002, Daniel Kahneman a reçu le Nobel d’économie. Evénement exceptionnel dans l’histoire du prix, car le lauréat est avant tout un psychologue. Depuis le début des années 1970, ses travaux en psychologie de la connaissance et de la décision se sont attachés à remettre en cause la rationalité fondamentale de la pensée, fondement des théories économiques néoclassiques. Dans cet ouvrage de synthèse, il décrit les deux systèmes qui régissent notre façon de penser : ce qu’il appelle le “système 1” est rapide, intuitif et émotionnel ; le “système 2” est plus lent, plus réfléchi, plus contrôlé et plus logique. A partir de nombreux exemples et expériences, il expose les facultés extraordinaires de la pensée rapide, le rôle de l’émotion dans nos choix et nos jugements, mais aussi les défauts de la pensée intuitive et les ravages des partis pris cognitifs.


« Thinking, Fast and Slow »

De David Kahneman, D (Penguin)

Thinking Fast and Slow de David Kahneman« Thinking, Fast and Slow » est un best-seller publié en 2011 par Daniel Kahneman. Il a été lauréat en 2012 du National Academies Communication Award pour le meilleur travail créatif qui aide le public à comprendre les sujets de la science du comportement, de l’ingénierie et de la médecine. La thèse centrale est une dichotomie entre deux modes de pensée : « Système 1 » rapide, instinctif et émotionnel ; “Système 2” plus lent, plus délibératif et plus logique. Le livre délimite les biais cognitifs associés à chaque type de pensée, en commençant par la propre recherche de Kahneman sur l’aversion aux pertes. Cet ouvrage offre un tout nouveau regard sur le fonctionnement de notre esprit, et comment nous prenons des décisions. Ce livre révèle comment nos esprits sont ébranlés par l’erreur et les préjugés (même quand nous pensons que nous sommes logiques), et donne des techniques pratiques pour une pensée plus lente et plus intelligente.

 

Articles sur les biais cognitifs

Lire cet excellent récapitulatif, par Jochen Grünbeck, qui liste et présente rien moins que 71 biais cognitifs !

  1. L’effet Von Restorff
  2. Le principe de contraste
  3. Le paradoxe du choix
  4. L’effet pom-pom girl
  5. L’aversion / La sensibilité à la perte
  6. L’effet de rareté
  7. L’effet d’immédiateté
  8. La souffrance du paiement
  9. Principe de Réciprocité
  10. La peur de manquer
  11. L’effet de leurre
  12. L’effet du choix d’Hobson + 1
  13. L’effet de position en série
  14. La théorie de l’auto-efficacité
  15. L’aisance cognitive
  16. L’effet d’ambiguïté
  17. L’effet de l’esthétique-pratique
  18. L’effet d’ancrage
  19. La preuve sociale ou « social proof »
  20. La proximité sociale
  21. La loi de Weber
  22. Dissonance cognitive
  23. L’effet Zeignarnik
  24. L’aversion pour ’option unique
  25. Traitement Efficace
  26. La théorie de friction cognitive
  27. Le besoin de certitude / d’incertitude
  28. Biais de soutien du choix
  29. La technique du pied dans la porte
  30. L’effet d’exposition
  31. L’effet de cadrage
  32. L’intention et l’autorégulation
  33. La malédiction du savoir
  34. Le biais d’autonomie
  35. L’effet de focus
  36. L’effet de dotation
  37. L’effet d’avoir vs l’effet d’utiliser
  38. L’effet du choix par défaut
  39. Le repère du regard
  40. Le principe de repère visuel
  41. L’effet de la position du milieu
  42. Principe d’autorité
  43. L’effet de saillance
  44. Le principe d’engagement et de cohérence
  45. Représentativité heuristique
  46. Processus d’encodage de l’ampleur
  47. L’effet de supériorité de l’image
  48. L’effet de métaphore
  49. La réactance psychologique
  50. L’effet de représentation visuelle
  51. L’effet d’attirance physique
  52. L’effet de halo
  53. L’effet du temps contre celui de ’argent
  54. L’effet d’ancienneté
  55. Le biais d’attention
  56. Le biais d’information
  57. L’effet des coûts irrécupérables
  58. L’effet de division de l’attention
  59. L’effet Benjamin Franklin
  60. L’effet de l’incertitude motivante
  61. La valeur du prix perçu
  62. L’effet du prix de référence
  63. Tarification fragmentée
  64. La théorie de la comparaison sociale
  65. La compensation du risque
  66. Le biais du risque zéro
  67. Le biais intragroupe
  68. Le biais du choix clôturé
  69. La motivation extrinsèque
  70. Le ratio d’attention
  71. La psychologie de consommation

A la découverte des biais cognitifs

Découvrir à ce sujet cet atelier mené par Stéphanie Walter (avec un “W” ;) et Laurence Vagner (avec un “V”;) :

À la découverte des biais cognitifs — le jeu de 52 cartes UX

Elles ont toutes deux mis à disposition le jeu de 52 cartes à imprimer sous licence CC BY-NC-SA 4.0 :

🎁 Télécharger le jeu de 52 cartes UX à imprimer

Qu’est-ce que le biais inconscient ?

Un biais inconscient est une conviction, une croyance acquise, implicite, positive ou négative, et dont le résultat sont des pensées ou des actions qui peuvent désavantager ou exclure un individu d’un groupe, sur la base des stéréotypes qui sont les nôtres. On parle aussi de « biais inconscients », particulièrement dans le management.

Ne dites plus diversité mais « biais inconscients » !

Lire aussi cet article : C’est quoi un biais inconscient ?

Illusion d’optique sur le damier d’Adelson

Lire aussi cet article qui montre comment les biais cognitifs “contaminent” tous les espaces de l’expérience humaine. Ici, l’idée de “biais algorithmiques :  “we’re algorithmically biased

Conclusion

La découverte de l’existence des biais cognitifs a été un apport essentiel pour les sciences cognitives, les sciences humaines et sociales, les sciences économiques, mais également dans la compréhension des interactions homme-machine. Lors des tests utilisateurs ou des tests consommateurs, beaucoup de réponses sont non-conscientes, altérées par le contexte et la culture de l’utilisateur. C’est à la fois un avantage qui peut être exploité tout en soulevant des questions d’ordre éthique, et un obstacle potentiel au moment de valider un prototype. Et lorsqu’un designer UX croit y échapper, il est peut-être victime d’un biais de l’angle mort, c’est-à-dire le refus de reconnaître ses propres biais cognitifs. Quoi qu’il en soit, en UX Design et en ergonomie, comprendre l’utilisateur du produit ou service pour se mettre à sa place est le socle d’une expérience utilisateur réussie. Les biais cognitifs doivent donc être connus des designers, des experts en ergonomie voire de l’ensemble des professionnels impliqués dans le projet.

Lire aussi :

Un commentaire

  • Merci pour cet article éclairant ! J’ai toujours trouvé fascinant comment nos biais cognitifs influencent nos décisions au quotidien. Cela m’a vraiment donné matière à réflexion pour mieux comprendre mes propres pensées.

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