Publié le : 07 avril 2004
Auteur : Bernard-Paul Eminet – p-interactif
Résumé : Comment navigue un internaute ? Qu’est ce qui le motive dans son parcours ? Des études comportementales permettent de dégager des principes de base de l’ergonomie web. Les façons d’agir ou de réagir des internautes sont désormais étudiées et testées. La navigation qui faisait la part belle à la structure technique du site se déplace vers une approche plus contextuelle. La barre de navigation va-t-elle donc disparaître ?
Sommaire :
- L’internaute traque l’information à l’instinct
- Une lecture attentive ou superficielle
- Une navigation plus contextuelle
- La barre de navigation est-elle utile ?
- Déplacer l’arborescence de navigation vers une
approche utilisateur
L’internaute traque l’information à l’instinct
Un article sur Libération (en 2001) cite une équipe du PARC de Xerox étudiant comment l’internaute traque l’information sur le web. À l’instinct, sans réfléchir, tel un animal à l’affût de gibier pour assouvir sa faim.
L’équipe s’est inspiré de la théorie de l’approvisionnement. Si un renard affamé a le choix entre un lapin dodu mais rapide et un rat maigre et fatigué, il se contente de la proie facile – effort minimum pour gratification immédiate. L’internaute est assez fainéant. Il maximise le bénéfice (la pertinence de l’information) par rapport au coût (la difficulté pour l’obtenir). Chaque recherche d’un nouvel endroit est risqué : et s’il n’y avait rien ? L’information a donc une odeur, elle laisse des traces. Les effluves les plus fortes entraînent “l’informavore” vers la “nourriture”. Tout ce qui masque les odeurs ou cache les traces brouille la piste et fait abandonner l’internaute : présentation confuse, liens non appropriés ou inutiles à l’instant présent. Les sites les plus utiles présentent des liens évoquant clairement l’information utile.
Une lecture attentive ou superficielle
Jean-Marc Hardy (voir son site) a montré qu’il existe deux modes de “lecture” : le superficiel et l’attentif. Le comportement de l’internaute varie, il est à la recherche d’informations (mode recherche / superficiel), ou il a trouvé l’information et la consomme (mode consommation / attentif). Ayons en tête notre renard, en mode recherche l’internaute ne lit pas. Son œil procède par saccades. Le comportement n’est pas linéaire. Il recherche les “odeurs” qui vont l’entraîner vers la proie. Si je pulvérise une odeur de viande devant un chemin, à cet endroit je vais tromper notre Goupil une fois… mais pas deux. Certains sites web, imaginant que l’internaute est idiot, sont ainsi spécialistes de ce type de duperie.
Le mode consommation fait appel à des techniques traditionnelles d’écriture. Le mode recherche exige lui de nouvelles formes d’écriture (guidage, signalisation, accroche etc.) ce que l’on appelle des microcontenus, textes courts introduisant un contenu éditorial, le macrocontenu. Ce sont les titres, les accroches et tout ce qui constitue l’habillage du contenu : sous-titres, sur-titres, légendes. L’enjeu du microcontenu est d’informer, d’inciter, d’entraîner. C’est l’odeur de la proie pour notre renard…
Une navigation plus contextuelle
Quelle sont les techniques de navigation qui fonctionnent ? On assiste depuis un an ou deux à un passage progressif d’une navigation structurelle vers une navigation plus contextuelle.
On a constaté que l’internaute n’a pas de vision de l’arborescence du site (navigation structurelle). Il situe sa navigation par rapport à la page où il se trouve (navigation contextuelle). Il est rare qu’il change de stratégie de recherche en cours. Dans ce cas il repasse par la page d’accueil “D’où je viens/où je peux aller” est plus important que “Où je suis, Où puis-je aller, pour poursuivre mon but ?” À défaut, “Dois-je revenir en arrière ?”
- Exemples d’éléments de navigation structurelle (liée au design du site) : l‘arborescence, la barre de navigation, le plan du site (la site map)
- Exemples d’éléments de navigation contextuelle (liée au parcours de l’internaute) : les liens reliés au contenu, le chemin de progression. Rappelons que le chemin de progression (breadcrumb trail) fournit le chemin d’accès à la page courante depuis la page accueil.
Exemple : Accueil > Actualité & médias > Télévision > Séries.
La barre de navigation est-elle utile ?
Certains spécialistes se demandent si les barres de navigation qui affichent les rubriques d’un site sont utiles, inutiles voire nuisibles. Mark Hurst (voir son site) le pose même en principe. Il définit ainsi le Page Paradigm. Sur une page web donnée, l’alternative de l’internaute est : soit il clique sur ce qui lui semble le rapprocher de l’accomplissement de son but, soit il clique sur le bouton de retour arrière de son navigateur… Plus simplement dit, “l’internaute ne s’intéresse pas à l’endroit où il est sur le site”.
Mark Hurst pousse le raisonnement encore plus loin en postulant que la cohérence n’est pas nécessaire. Cette règle d’airain du design d’interface est valable pour un logiciel mais pas sur le web où l’important est la facilité offerte à l’internaute d’avancer dans son parcours. Il introduit ainsi la notion “d’incohérence intelligente” qui permet de fournir uniquement à l’internaute ce dont il a besoin pour accomplir son but plutôt que d’ajouter des éléments de navigation inutiles simplement parce c’est cohérent avec le reste du site. Ce raisonnement qui semble un peu à l’emporte-pièce semble conforté par les études et les tests.
- 80% de la navigation vers l’avant est guidée par les éléments contextuels liés au contenu de la page en cours.
- L’internaute utilise rarement la barre de navigation dans les pages intérieures d’un site.
- La navigation arrière passe généralement par le bouton “retour” du navigateur.
- La majorité des informations de la barre de navigation sont inutiles. L’internaute, désirant modifier sa recherche, repasse par la page d’accueil.
En conséquence :
- On constate que la barre de navigation a tendance à s’effacer de plus en plus sur les sites.
- Il faut soigner les liens directement en rapport avec le contenu sur chaque page.
- Dans tous les cas, le chemin de progression se révèle supérieur à la barre de navigation.
Déplacer l’arborescence de navigation vers une approche utilisateur
Cela signifie-t-il qu’il faut bannir la barre de navigation ? Certainement pas, mais cette dernière ne doit pas être l’ossature central de “l’offre” du site mais plutôt une option pour simplifier le parcours. Ainsi sur un site marchand, elle permet d’avoir sous les yeux les différents rayons de la boutique pour s’y mouvoir plus rapidement. Une barre de navigation reprenant les sections d’un site les plus fréquentées permet à l’internaute habitué du site de bénéficier de raccourcis appréciés.
Il est temps de changer d’approche, déplacer la facilité de la vision développeur de l’arborescence d’un site et réellement placer l’utilisateur au centre du processus. L’approche développeur est commode à percevoir puisqu’elle correspond à la structure technique du site. Elle consiste à dire à l’internaute : “voilà ce que je propose”. L’approche utilisateur est moins facile à appréhender. Elle repose sur une analyse des objectifs et des buts de l’internaute pour lui dire “Qui es-tu et que désire-tu faire ?”.
Bernard-Paul Eminet