La fin du web design (revisitée)

Publié le : 12 janvier 2005
Auteur : Vincent Bénard – Veblog
Résumé : En 2000, Jakob Nielsen choquait la communauté des designers de sites web en annonçant « la fin du design web ». Cinq années plus tard, force est de constater le gourou du web avait en grande partie raison.

Sommaire :

  • La réussite du fonctionnel
  • L’exception artistique
  • Une initiative peu suivie: le Flash utilisable
  • Le créateur web est devenu un ensemblier

En juillet 2000, Jakob Nielsen choquait la communauté des designers de sites web en annonçant la fin du design web, prévoyant de la sorte que la recherche d’efficacité pour les sites à objectifs de rentabilité immédiate les conduirait inévitablement à ne retenir que les pratiques de design les plus efficaces.

Cette prophétie d’un des gourous du web les plus écoutés, à défaut d’être aimé, déplut bien évidemment aux professionnels du web graphique, et nombreux furent ceux qui se lancèrent a posteriori dans des tentatives de réfutation du postulat de Nielsen.

Que reste-t-il de tout ce bruit en 2005 ? Plusieurs évolutions du web tendent à montrer que Jakob Nielsen, n’en déplaise à ceux qui n’apprécient pas son côté auto satisfait et ses certitudes définitives, avait en grande partie raison.

La réussite du fonctionnel

Le web devait, si on se rappelle du « hype » qui sévissait au cœur des années « bulle », être l’espace privilégié de la création visuelle d’un genre nouveau, le multimédia. En 2005, force est de constater que les succès majeurs du net sont les systèmes d’échanges P2P et les blogs, dont le succès est dû uniquement au contenu informatif et fonctionnel et dont aucun ne se montre réellement « innovant » au niveau du design.

Mieux encore, le succès des blogs entraîne l’explosion de nouveaux outils d’efficacité personnelle, les flux RSS, massivement repris par les sites d’information classiques, qui permettent, grâce à des navigateurs spéciaux appelés aggrégateurs de news, de lire les grands titres ou les résumés de vos canaux d’information préférés en les expurgeant de tout le design décoratif et de toute la navigation prévue par les créateurs de l’identité visuelle du site. Les internautes peuvent ainsi voir la productivité de leur recherche d’information décuplée grâce à l’utilisation des flux RSS. Cela constitue une confirmation expérimentale difficilement contestable de la prédiction de Nielsen.

L’exception artistique

Pourtant, çà et là, quelques applications résistent encore et toujours aux incantations du Gourou. Le jeu en réseau, ciblé sur un public plutôt technophile et généralement connecté en haut débit, reste un ilôt dans lequel le rôle des designers artistiques reste central. Si les sites plaquette ou promotionnels restent à 95% confidentiels, quelques rares succès, en général lié au teasing de produits à forte valeur émotionnelle ont permis à quelques prestataires ayant survécu à la dépression ayant touché les web agencies « avant-gardistes » de montrer un savoir faire intéressant.

Une initiative peu suivie: le Flash utilisable

Enfin, certains sites ont tenté de se démarquer en utilisant des technologies jugées pourtant élitistes pour proposer une meilleure accessibilité de leurs services aux utilisateurs dits « moyens ». Ainsi, Flash a été utilisé avec succès par quelques agences de réservation hôtelière, mais sans pour autant que cela génère un effet d’entraînement fort.

Le créateur web est devenu un ensemblier

Alors, la fin du design web est elle promise pour demain ? Non, mais ce métier a en cinq ans changé de nature fondamentale. Autrefois soumise à la satisfaction des créateurs et soumise à des présupposés de nature onirique, il se rapproche aujourd’hui d’un métier d’ensemblier, à l’instar des designers automobile, qui doivent concilier des cahiers des charges techniques draconiens, laissant très peu de marge de manœuvre, et la nécessité de créer une identité visuelle forte pour un nombre croissant de modèles obéissant tous aux mêmes stéréotypes. D’artiste, le créateur de web efficace est devenu, à l’égal du metteur en scène de cinéma, un meneur d’équipes pluridisciplinaires arrivant à obtenir le meilleur de graphistes, de commerciaux, d’ingénieurs, d’ergonomes, le tout sous la pression toujours croissante des utilisateurs.

Vincent Bénard